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Channel: Les sphères de Neirie - un-jour-si-j-ai-le-temps
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Chap. VI. Vertiges

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(Pour avoir le début de l'histoire, cliquez ICI.)

Yale, 26.03.1978

 

Me voilà à Yale. Il est tard. J’ai pris un train en fin de journée, sans trop savoir pourquoi. Revenir dans cette galerie que tu aimes tant. La première fois que nous l’avions découverte ensemble, nous avions l’impression d’avoir un trésor de guerre. Tant de chefs-d’œuvre réunis dans une si petite place. Le bar de Van Gogh, les hollandais grotesques, Hopper, la partie du XVIème siècle… Nous étions restés des heures dans ce petit musée de qualité, puis nous étions allés prendre un café dans la librairie pas très loin pour prolonger le plaisir de la culture. C’était en hiver, la neige ne donnait pas du tout le même aspect qu’aujourd’hui. Yale… tu me manques. Je n’arrive pas à comprendre comment le cœur humain peut aimer à ce point. Je t’imagine perdue au milieu de nulle part, effrayée peut être, et moi. Moi qui erre en te cherchant tout en attendant plus rien. Je n’espère plus car c’est trop douloureux. Tu es avec moi à chaque instant, chaque seconde, chaque soupir. Je t’aime. Ma douleur. Puis-je te remplacer un jour ? Je ne crois pas. Je suis dans un petit hôtel pris au hasard, je passe la nuit ici avant de retourner à Manhattan. Il est sordide, je m'y sens bien.

Un, deux, trois… Mon esprit s’égare. La fatigue. Ou peut-être le joint que je viens de fumer. C’était un jeune qui errait près de mon hôtel. Mon allure a du l’inspirer, il est venu me propose. Au point où j’en suis. Un non-retour. Peut-être que si je me laisse aller au plus bas, une étincelle, une révélation. Quand on traverse des marécages, on en sort imprégné des odeurs, on s’embourbe, on s’enlise. Ne pas se retourner, jamais. Que vais-je faire en rentrant à New-York ? Je suis l’équilibriste des âmes perdues, la clé des songes incompris. Me souvenir. Qui ai-je été ? Que deviens-je ? Aucune importance. Demain, ou hier, les heures défilent, je me suis mis dans un espace temps qui échappe à la normalité si tenté est qu’elle existe. Je regarde la foule s’agiter dans ses préoccupations quotidiennes avec un détachement désabusé. On finira tous pareil, à six pied sous terre ou éparpillés dans l’espace. Ils courent tous à l’aveugle derrière des statuts, des positions sociales, des voitures. Ils courent, courent derrière eux-mêmes. Ces gens. Eux. Les autres. Je deviens délibérément fou. Il suffirait que je décide d’arrêter. Il suffirait. Il est aisé d’être fou. On pose des briques, les unes après les autres. On achève la construction avec un ciel indigo. On ajoute des miroirs ci et là. Des brisures de glaces qui morcellent notre image. Le puzzle se recompose en kaléïdoscope… ou pas.Tic, tac, tic, tac. Passez votre route Madame. Tic, Tac, Tic, Tac, je vous en prie, prenez la route des Muets merveilleux. A BOIRE ! Alcools ou drogues, que choisir ? Ultra-contrôle ou décadence, les deux extrêmes se répondent. Je suis Jekyll, je suis Hide, et je les emmerde tous.  »


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